Sa journée de travail est terminée, il a pris son train pour rentrer. Troisième wagon, deuxième classe. Une heure trente de trajet. Comme il l’a fait hier, et comme il le fera demain. Cette routine le déprime au plus haut point.
Comme d’habitude, le train se remplit à l’arrêt succédant au sien. Un flot de personnes entre, et une jeune fille s’installe en face de lui in-extremis avant que quelqu’un ne lui fauche la place. Il ne prête tout d’abord pas attention à elle, préférant se plonger dans son roman. Le trajet passera moins lentement.
Malgré sa résolution, il ne peut s’empêcher de jeter un coup d’œil à la fille en face de lui à travers son reflet dans la vitre. Elle regarde par la fenêtre, un léger sourire aux lèvres. Il se demande ce qu’elle peut bien y voir, puisqu’il fait nuit noire avec seulement quelques lumières à l’horizon. Ce n’est pas commun de voir quelqu’un sourire aux anges comme ça, fin de journée, en pleine heure de pointe.
Son imagination commence à s’emballer. Peut-être, après tout, n’est-elle pas allée travailler ? Voilà une explication probable à sa bonne humeur. Mais qu’a-t-elle donc bien pu faire de sa journée pour sourire ainsi dans le vide ?
Elle revient peut-être de chez son petit-ami ? Il essaye d’apercevoir une bague ou un collier trahissant une histoire d’amour, mais c’est l’hiver, et elle est restée emmitouflée dans son manteau. Il réfléchit, et se dit qu’elle devrait être déprimée si c’était le cas. Ou peut-être se rend-t-elle chez lui !
Il imagine une autre possibilité. Peut-être revient-elle d’un examen qu’elle a réussi ? Il l’observe, et essaye d’imaginer quel genre d’études elle pourrait faire. Avec ses cheveux blonds coupés courts tout ébouriffés, son nœud qui entoure sa tête, ses bas rayés de toutes les couleurs et son air ingénu, elle ressemble à… Une institutrice maternelle? Non, il pencherait plutôt sur… Une artiste. Une actrice ayant passé une audition concluante peut-être ? Il y a quelque chose dans son regard qui semble avoir un tas de choses à transmettre. Pas du savoir, comme un professeur, mais plutôt des émotions.
Il se rend compte qu’elle a des espèces de gros écouteurs vissés aux oreilles. Quel genre de musique peut-elle bien écouter ? Il ne l’avait pas remarqué, mais ses doigts bougent de manière quasi imperceptible, comme s’ils reproduisaient une partition silencieuse. Ça y est, il l’imagine musicienne. Se rendrait-elle à un quelconque café-concert pour partager sa musique ? Elle n’a pas de guitare ou autre instrument avec elle, pourtant…
Au fil de ses dérivations mentales, il ne s’est pas rendu compte qu’elle s’est mise à le fixer, toujours avec son petit sourire. Il se sent gêné de se faire prendre la main dans le sac en pleine séance de ce qui pourrait être interprété pour du matage. Dieu lui en est témoin, il n’avait pas de pensées malsaines, ce n’est pas son style de s’intéresser aux filles dans son genre…
Il détourne les yeux, puis se ravise. Il faut qu’il sache. Prenant son courage à deux mains, il lui demande si elle ne serait pas musicienne, car il invente avoir l’impression de l’avoir déjà vue lors d’un concert. Elle garde son éternel sourire, mais ne dit pas un mot. Il est confus et se demande si elle n’aurait tout simplement pas un retard mental, ce qui expliquerait son air béat et ses tics manuels.
La voilà qui se met à fouiller dans son sac, et en sort un bloc-notes et un stylo. Elle écrit frénétiquement dessus, et le lui tend. Il lit « Pouvez-vous répéter lentement ? Que je puisse lire sur vos lèvres ». Ce message est suivi d’un smiley souriant. Ce sourire, encore et toujours.
Il se sent con. Il n’ose plus poser sa question, maintenant… Demander à une sourde si elle est musicienne… Quelle horrible insulte. Mais il prend parti de sourire aussi, peut-être a-t-elle le sens de l’humour… La situation est quand même cocasse. Il préfère lui écrire son message en dessous du sien, et espère vraiment qu’elle ne le prendra pas mal. Il retient son souffle.
La voilà qui éclate de rire, il peut respirer. Elle lui répond par écrit qu’il est très observateur. En effet, elle est violoniste. Elle n’a pas toujours été sourde, et continue à s'entraîner chaque jour pour ne rien perdre de son savoir-faire. Elle ressent les vibrations de l’instrument, et elle est sûre que ça lui suffira pour devenir la plus grande violoniste sourde du monde.
Il est fasciné devant son optimisme empreint de naïveté. Il n’en revient pas d’avoir rencontré une fille comme ça, une fille qui semble prendre la vie comme elle vient et qui s’accommode des obstacles comme s’ils n’existaient pas. Il devrait en prendre de la graine.
Il jette un œil dehors, et se rend compte qu’il arrive à son arrêt. Il n’a pas le temps de lui écrire un dernier message, et se contente de lui faire un grand sourire. Elle a compris tout ce qu'il fait passer dans celui-ci, et le lui rend.
Pour une fois, son trajet est passé vite, et il aurait voulu qu’il n’en finisse pas.
Comme d’habitude, le train se remplit à l’arrêt succédant au sien. Un flot de personnes entre, et une jeune fille s’installe en face de lui in-extremis avant que quelqu’un ne lui fauche la place. Il ne prête tout d’abord pas attention à elle, préférant se plonger dans son roman. Le trajet passera moins lentement.
Malgré sa résolution, il ne peut s’empêcher de jeter un coup d’œil à la fille en face de lui à travers son reflet dans la vitre. Elle regarde par la fenêtre, un léger sourire aux lèvres. Il se demande ce qu’elle peut bien y voir, puisqu’il fait nuit noire avec seulement quelques lumières à l’horizon. Ce n’est pas commun de voir quelqu’un sourire aux anges comme ça, fin de journée, en pleine heure de pointe.
Son imagination commence à s’emballer. Peut-être, après tout, n’est-elle pas allée travailler ? Voilà une explication probable à sa bonne humeur. Mais qu’a-t-elle donc bien pu faire de sa journée pour sourire ainsi dans le vide ?
Elle revient peut-être de chez son petit-ami ? Il essaye d’apercevoir une bague ou un collier trahissant une histoire d’amour, mais c’est l’hiver, et elle est restée emmitouflée dans son manteau. Il réfléchit, et se dit qu’elle devrait être déprimée si c’était le cas. Ou peut-être se rend-t-elle chez lui !
Il imagine une autre possibilité. Peut-être revient-elle d’un examen qu’elle a réussi ? Il l’observe, et essaye d’imaginer quel genre d’études elle pourrait faire. Avec ses cheveux blonds coupés courts tout ébouriffés, son nœud qui entoure sa tête, ses bas rayés de toutes les couleurs et son air ingénu, elle ressemble à… Une institutrice maternelle? Non, il pencherait plutôt sur… Une artiste. Une actrice ayant passé une audition concluante peut-être ? Il y a quelque chose dans son regard qui semble avoir un tas de choses à transmettre. Pas du savoir, comme un professeur, mais plutôt des émotions.
Il se rend compte qu’elle a des espèces de gros écouteurs vissés aux oreilles. Quel genre de musique peut-elle bien écouter ? Il ne l’avait pas remarqué, mais ses doigts bougent de manière quasi imperceptible, comme s’ils reproduisaient une partition silencieuse. Ça y est, il l’imagine musicienne. Se rendrait-elle à un quelconque café-concert pour partager sa musique ? Elle n’a pas de guitare ou autre instrument avec elle, pourtant…
Au fil de ses dérivations mentales, il ne s’est pas rendu compte qu’elle s’est mise à le fixer, toujours avec son petit sourire. Il se sent gêné de se faire prendre la main dans le sac en pleine séance de ce qui pourrait être interprété pour du matage. Dieu lui en est témoin, il n’avait pas de pensées malsaines, ce n’est pas son style de s’intéresser aux filles dans son genre…
Il détourne les yeux, puis se ravise. Il faut qu’il sache. Prenant son courage à deux mains, il lui demande si elle ne serait pas musicienne, car il invente avoir l’impression de l’avoir déjà vue lors d’un concert. Elle garde son éternel sourire, mais ne dit pas un mot. Il est confus et se demande si elle n’aurait tout simplement pas un retard mental, ce qui expliquerait son air béat et ses tics manuels.
La voilà qui se met à fouiller dans son sac, et en sort un bloc-notes et un stylo. Elle écrit frénétiquement dessus, et le lui tend. Il lit « Pouvez-vous répéter lentement ? Que je puisse lire sur vos lèvres ». Ce message est suivi d’un smiley souriant. Ce sourire, encore et toujours.
Il se sent con. Il n’ose plus poser sa question, maintenant… Demander à une sourde si elle est musicienne… Quelle horrible insulte. Mais il prend parti de sourire aussi, peut-être a-t-elle le sens de l’humour… La situation est quand même cocasse. Il préfère lui écrire son message en dessous du sien, et espère vraiment qu’elle ne le prendra pas mal. Il retient son souffle.
La voilà qui éclate de rire, il peut respirer. Elle lui répond par écrit qu’il est très observateur. En effet, elle est violoniste. Elle n’a pas toujours été sourde, et continue à s'entraîner chaque jour pour ne rien perdre de son savoir-faire. Elle ressent les vibrations de l’instrument, et elle est sûre que ça lui suffira pour devenir la plus grande violoniste sourde du monde.
Il est fasciné devant son optimisme empreint de naïveté. Il n’en revient pas d’avoir rencontré une fille comme ça, une fille qui semble prendre la vie comme elle vient et qui s’accommode des obstacles comme s’ils n’existaient pas. Il devrait en prendre de la graine.
Il jette un œil dehors, et se rend compte qu’il arrive à son arrêt. Il n’a pas le temps de lui écrire un dernier message, et se contente de lui faire un grand sourire. Elle a compris tout ce qu'il fait passer dans celui-ci, et le lui rend.
Pour une fois, son trajet est passé vite, et il aurait voulu qu’il n’en finisse pas.