Cela fait quelques mois que la gare a été inaugurée, mais elle n’a pas encore eu l’occasion, ou disons plutôt la permission, d’y aller. Sa mère est encore trop terrifiée par l’industrialisation de la société, et ne fait pas confiance à ces grosses machines nommées locomotives. Elle ne jure encore que par son attelage, et préfère subir des jours et des jours de voyage plutôt que de monter dans ces engins du démon, selon ses propres termes.
Pourtant, il faudra bien qu’elle s’y fasse. Les avancées industrielles sont en plein essor, et les gares sont devenues un moyen fabuleux de relier les grandes villes en un temps record. Elle est fascinée depuis qu’elle a vu une photo de ces monstres à vapeur. Elle ne comprend d’ailleurs pas comment la vapeur, qui vient de l’eau, peut faire se déplacer de si grosses machines…
Elle est sortie de chez elle en fraude, sans chaperon, avec un grand chapeau pour ne pas se faire reconnaître. Peut-être sa toilette est-elle un tantinet luxueuse, mais elle n’avait que ça dans sa penderie. Déjà qu’elle a dû se vêtir seule, pour ne pas alerter les femmes de chambre… Si sa mère apprenait où elle se rend, elle en ferait toute une maladie…
Heureusement, la gare se trouve à deux pâtés de maison de sa demeure familiale. Elle serre bien son réticule contre elle, pour ne pas tenter les mains trop avides des brigands, et se retrouve déjà à l’entrée. Sur la devanture campe une énorme horloge. Les dorures sont magnifiques, elle s’extasierait bien dessus quelques minutes, mais se fait bousculer par la foule pressée d’entrer. La voilà prise dans la cohue !
Elle n’est pas habituée à tant de promiscuité, surtout avec des individus de cette classe sociale. Si sa mère l’apprenait… Soudain, elle manque de trébucher mais se fait retenir in extremis par une main inconnue la maintenant par la taille. Elle se retourne brusquement, et la voilà nez-à-nez avec un jeune homme de… Comment dire… Basse extraction ?
Elle le sait à son accoutrement que les garçons d’écurie de sa maison n’oseraient même pas porter, et à sa main rugueuse qui vient lui prendre la sienne pour la baiser. Un gentil-homme n’a pas de callosités crées par le travail. Un gentleman ne baiserait pas la main d’une dame sans avoir été présenté, d’ailleurs… Mais elle se dit que les mœurs, dans la rue, ne sont sans doute pas les mêmes. Elle va donc se prêter au jeu, pour ne pas se faire démasquer.
Elle lui sourit, et se laisse emporter sur le côté, où la foule est moins dense. Le jeune homme lui demande son nom, et avant même qu’elle ne s’en invente un, il enchaîne en lui demandant ce qu’elle fait, si bien habillée, dans cette gare. Surprise de sortir si vite du lot, elle réfléchit un instant, le regarde dans les yeux et se dit qu’elle peut lui faire confiance. Elle lui avoue son nom, son rang, et pourquoi elle est là.
Il n’a pas la réaction escompté, ne semble pas se rendre compte de qui elle est, elle, fille de Comte. La voilà bien désappointée et remise à sa place. Il n’y a bien que les membres de la haute société pour s’imaginer intéresser le bas peuple. Enfin, elle se remet vite de sa déception lorsqu’il tire la révérence en se proposant comme guide. Il connait bien les gares, a justement du temps aujourd’hui, et lui prend donc le bras pour lui faire faire une petite visite.
Durant leurs pérégrinations à l’intérieur de la gare, où il n’y a finalement pas grand chose à voir à part des quais, des rails, et des hommes qui travaillent à faire elle ne sait trop quoi, son compagnon lui raconte qu’il vient de la campagne et qu’il a dû quitter sa famille pour trouver un emploi en ville. En effet, avec l’industrialisation, il n’y a plus assez de travail dans les fermes. Il se rend maintenant dans une usine quinze heures par jour, tous les jours sauf le dimanche pour être payé 5 francs la journée.
La jeune fille est horrifiée d’entendre ça. Il faut dire que dans sa famille, les hommes ne travaillent pas. Ils n’en ont pas besoin, et ne l’envisagent même pas, ce serait vulgaire. De même que parler d’argent, d’ailleurs, mais elle fait comme si cela ne la choquait pas, le jeune homme en serait peut-être blessé.
Elle lui sourit, et lui dit qu’elle le trouve bien courageux. Il rétorque qu’elle n’a pas à avoir pitié de lui, il aime son travail, mais encore plus ses temps libres, surtout en si bonne compagnie. Il voudrait lui offrir quelque chose, mais n’en a pas les moyens.
Soudain, un grand bruit se fait entendre, et elle sursaute. C’est une locomotive qui arrive ! Le jeune homme passe son bras sur ses épaules comme pour la protéger, tandis qu’elle retient son chapeau pour ne pas qu’il s’envole avec la bourrasque créée par la machine. Quelle quantité de vapeur! elle n'y voit plus rien. Lorsque la locomotive s’arrête, un morceau de charbon s’échappe et atterrit aux pieds du garçon. Il le ramasse, l’enveloppe dans son mouchoir et le lui tend comme souvenir de la journée.
Elle est émue, le remercie, et se dit qu’il est temps pour elle de rentrer. Il la raccompagne à l’entrée, et lui demande s’ils se reverront. Elle se contente de lui sourire en partant, serrant fort son charbon dans sa main.
Pourtant, il faudra bien qu’elle s’y fasse. Les avancées industrielles sont en plein essor, et les gares sont devenues un moyen fabuleux de relier les grandes villes en un temps record. Elle est fascinée depuis qu’elle a vu une photo de ces monstres à vapeur. Elle ne comprend d’ailleurs pas comment la vapeur, qui vient de l’eau, peut faire se déplacer de si grosses machines…
Elle est sortie de chez elle en fraude, sans chaperon, avec un grand chapeau pour ne pas se faire reconnaître. Peut-être sa toilette est-elle un tantinet luxueuse, mais elle n’avait que ça dans sa penderie. Déjà qu’elle a dû se vêtir seule, pour ne pas alerter les femmes de chambre… Si sa mère apprenait où elle se rend, elle en ferait toute une maladie…
Heureusement, la gare se trouve à deux pâtés de maison de sa demeure familiale. Elle serre bien son réticule contre elle, pour ne pas tenter les mains trop avides des brigands, et se retrouve déjà à l’entrée. Sur la devanture campe une énorme horloge. Les dorures sont magnifiques, elle s’extasierait bien dessus quelques minutes, mais se fait bousculer par la foule pressée d’entrer. La voilà prise dans la cohue !
Elle n’est pas habituée à tant de promiscuité, surtout avec des individus de cette classe sociale. Si sa mère l’apprenait… Soudain, elle manque de trébucher mais se fait retenir in extremis par une main inconnue la maintenant par la taille. Elle se retourne brusquement, et la voilà nez-à-nez avec un jeune homme de… Comment dire… Basse extraction ?
Elle le sait à son accoutrement que les garçons d’écurie de sa maison n’oseraient même pas porter, et à sa main rugueuse qui vient lui prendre la sienne pour la baiser. Un gentil-homme n’a pas de callosités crées par le travail. Un gentleman ne baiserait pas la main d’une dame sans avoir été présenté, d’ailleurs… Mais elle se dit que les mœurs, dans la rue, ne sont sans doute pas les mêmes. Elle va donc se prêter au jeu, pour ne pas se faire démasquer.
Elle lui sourit, et se laisse emporter sur le côté, où la foule est moins dense. Le jeune homme lui demande son nom, et avant même qu’elle ne s’en invente un, il enchaîne en lui demandant ce qu’elle fait, si bien habillée, dans cette gare. Surprise de sortir si vite du lot, elle réfléchit un instant, le regarde dans les yeux et se dit qu’elle peut lui faire confiance. Elle lui avoue son nom, son rang, et pourquoi elle est là.
Il n’a pas la réaction escompté, ne semble pas se rendre compte de qui elle est, elle, fille de Comte. La voilà bien désappointée et remise à sa place. Il n’y a bien que les membres de la haute société pour s’imaginer intéresser le bas peuple. Enfin, elle se remet vite de sa déception lorsqu’il tire la révérence en se proposant comme guide. Il connait bien les gares, a justement du temps aujourd’hui, et lui prend donc le bras pour lui faire faire une petite visite.
Durant leurs pérégrinations à l’intérieur de la gare, où il n’y a finalement pas grand chose à voir à part des quais, des rails, et des hommes qui travaillent à faire elle ne sait trop quoi, son compagnon lui raconte qu’il vient de la campagne et qu’il a dû quitter sa famille pour trouver un emploi en ville. En effet, avec l’industrialisation, il n’y a plus assez de travail dans les fermes. Il se rend maintenant dans une usine quinze heures par jour, tous les jours sauf le dimanche pour être payé 5 francs la journée.
La jeune fille est horrifiée d’entendre ça. Il faut dire que dans sa famille, les hommes ne travaillent pas. Ils n’en ont pas besoin, et ne l’envisagent même pas, ce serait vulgaire. De même que parler d’argent, d’ailleurs, mais elle fait comme si cela ne la choquait pas, le jeune homme en serait peut-être blessé.
Elle lui sourit, et lui dit qu’elle le trouve bien courageux. Il rétorque qu’elle n’a pas à avoir pitié de lui, il aime son travail, mais encore plus ses temps libres, surtout en si bonne compagnie. Il voudrait lui offrir quelque chose, mais n’en a pas les moyens.
Soudain, un grand bruit se fait entendre, et elle sursaute. C’est une locomotive qui arrive ! Le jeune homme passe son bras sur ses épaules comme pour la protéger, tandis qu’elle retient son chapeau pour ne pas qu’il s’envole avec la bourrasque créée par la machine. Quelle quantité de vapeur! elle n'y voit plus rien. Lorsque la locomotive s’arrête, un morceau de charbon s’échappe et atterrit aux pieds du garçon. Il le ramasse, l’enveloppe dans son mouchoir et le lui tend comme souvenir de la journée.
Elle est émue, le remercie, et se dit qu’il est temps pour elle de rentrer. Il la raccompagne à l’entrée, et lui demande s’ils se reverront. Elle se contente de lui sourire en partant, serrant fort son charbon dans sa main.