Premier jour des vacances d’été rime avec gaieté, mais aussi avec gares bondées.
Les gens se préparent à passer quelques jours, une semaine à un mois pour les plus chanceux vers une destination quelconque, tant qu'ils se retrouvent hors de chez eux. Se déconnecter de la réalité, ils l’ont attendu toute l’année.
Certains partent en voiture, en avion, voire même en bateau, mais d’autres se contentent du bon vieux voyage en train.
C’est vrai que ce dernier a ses avantages :
- Il permet de ne pas avoir à se préoccuper du trajet. Pas de bouchons ou de problèmes de stationnement ;
- On peut voir du pays. En effet, le train, en allant d’un point A à un point B, passe par des chemins plus intéressants à voir que l’autoroute ;
- On arrive à destination souvent plus reposé qu’après des heures de route, ou de stress en avion pour les plus angoissés ;
- Pour les amoureux de la planète, le train pollue nettement moins que les autres transports ;
- Enfin, pour peu que notre wagon ne soit pas trop rempli, le trajet peut être assez confortable.
Hélas, pour ce dernier point, en ce premier jour de vacances, ce n’est pas gagné. En effet, la gare est remplie de vacanciers, avec leurs valises, leurs chiens, et la marmaille braillarde.
Dans cette foule qui attend sur son quai un train en retard, il y a une petite fille qui pleure. Elle s’est levée tôt, ce qui la rend un tantinet ronchonne, elle n’aime pas attendre cet idiot de train qui tarde à arriver, et en plus, son ami Pico (hérisson en peluche tant aimé) est tombé. Elle a beau regarder partout sur le sol, pas de traces de lui. Elle a peur qu’il ait fugué.
Elle secoue la main de sa mère, mais celle-ci est trop occupée à gronder son frère aîné turbulent et surexcité. La voilà bien désappointée. Elle n’aime pas être ignorée, et se met donc à pleurer à gros sanglots bruyants pour attirer l’attention de sa mère, en vain.
Soudain, elle sent quelqu’un lui tapoter l’épaule. Derrière elle se tient un jeune homme qui lui tend son cher Pico. Le soulagement se lit sur le visage de la petite fille, elle prend son ami, et le serre contre elle de toutes ses forces. Elle sourit au garçon en lui disant merci monsieur. Il lui rend son sourire, et lui répond quelque chose qu’elle ne comprend pas.
La mère semble enfin se rappeler l’existence de sa fille, et se tourne vers le jeune homme, prête à mordre quiconque s’intéresserait de trop près à sa petite chérie. L’enfant coupe court à la méfiance de sa mère en lui expliquant qu’il a retrouvé sa peluche fugueuse. Maman est soulagée, et le remercie.
Encore une fois, le garçon répond dans une langue étrangère. La mère le regarde attentivement, et se demande de quelle nationalité il peut être, avec ses cheveux sombres, ses yeux clairs, et ce parlé inconnu à ses oreilles.
Elle est coupée dans sa réflexion par son gamin qui se met à courir en rond dans la foule. Elle ne sait plus où donner de la tête, et essaie en vain de l’arrêter. Maudit marmot…
Tout à coup, le jeune étranger s’approche de lui, et tape dans ses mains en sifflant. Le garçon cesse sa course, en se demandant d’où vient cette musique. Il fixe le jeune homme, étonné.
Celui-ci s’approche de lui, le prend par les épaules, et le positionne droit comme un piquet, pieds joints. Sans un mot, il se met à côté de lui, dans la même posture, pied droit collé à son pied gauche. Ensuite, le voilà qui croise son pied droit derrière son pied gauche, remet le gauche à côté du droit, et recolle son pied droit à celui de gamin. Le voilà donc avec les pieds qui ne sont plus collés, mais légèrement écartés.
Il incite l’enfant à faire de même. Confus d’abord, celui-ci se prête néanmoins au jeu, et les voilà partis dans une bataille ardue. Tour à tour, chacun croise ses pieds, et l’écart entre leurs jambes se fait de plus en plus grand. Le perdant sera le premier à abandonner.
C’est le gamin qui perd, évidemment, avec ses petites jambes. Mais il le fait de bonne guerre. Il s’est amusé. La petite fille rit et applaudit. La mère est ébahie de voir son fils calmé si rapidement, sans cris, sans colère, sans menaces. Elle regarde le jeune homme et lui sourit avec gratitude.
C’est là que le train arrive enfin. La foule se presse vers les portes, et la mère rassemble ses enfants et ses bagages.
Soudain, elle se rend compte qu’elle a perdu de vue le jeune étranger. Elle aurait bien voulu en savoir plus sur lui, et surtout, qu’il continue à lui montrer ses méthodes éducatives pendant le trajet…