Elle a 18 ans, et comme chaque matin, elle va à l’université. Un bus, deux trains, et de la marche pour s’y rendre. Ça peut paraître contraignant pour certains, mais ce sont ses moments préférés de la journée. Les écouteurs vissés aux oreilles, elle est dans sa bulle et peut s’évader à sa guise au rythme de la musique.
C’est une bien mauvaise année qui a commencé, pourtant. Nouvelle école, ville où elle ne connait personne, et puis, une saleté de rupture amoureuse qui vient d’arriver au pire moment qui soit.
Elle entre dans son premier train, le jour ne s’est pas encore levé, et il fait encore sombre. Elle augmente le volume de sa musique et s’installe à une place libre. Elle se blottit dans le fond du siège, et regarde les lumières de la ville qui s’éveille par la fenêtre. Elle ne prête pas attention aux autres passagers.
Peut-être le jeune homme installé à côté d’elle sur l’autre rangée voudrait lui parler, mais même s’il essayait, elle ne répondrait même pas. Elle n’est pas là. Pas tout à fait là en tout cas. Elle a l’impression de flotter au-dessus du monde, et déteste qu’on la fasse redescendre, d’où les écouteurs à fond pour éviter d’entendre. Ça lui fait également une excuse pour ne pas répondre sans paraître impolie, même si elle l’est complètement.
Tout à coup, le train s’arrête entre deux gares. C’est inhabituel, elle s’en rend compte, et baisse le son en cas d’annonce du contrôleur. Le temps passe, et pas d’explications. Elle hausse les sourcils, et regarde autour d’elle. Ses yeux se posent sur le garçon, qui était en train de la regarder, son regard croise le sien, mais elle détourne la tête violemment en augmentant le son de sa musique.
Elle déteste les contacts visuels. C’est comme si elle avait perdu, ou coupé ses sens depuis qu’il l’a laissée. La vue donc, l’ouïe avec sa musique pour ne plus entendre le monde, le goût puisqu’elle se force à grignoter un peu, le toucher… Elle n’ose même pas y penser tant son contact lui manque, et l’odorat… Elle passe ses soirées à renifler un vieux T-shirt à lui qu’elle ne lui a pas rendu… De toute façon, il ne l’a pas réclamé. Tant mieux pour elle. Si elle le pouvait, elle prendrait ce T-shirt partout avec elle en plongeant le nez dedans. Mais son entourage commencerait sérieusement à s’inquiéter pour sa santé mentale.
Soudain, elle entend une voix dans le brouhaha des notes. Elle retire ses écouteurs, et écoute le jeune homme lui dire que le train va bientôt redémarrer, une annonce vient d’être faite, mais qu’elle ne l’a pas entendu avec Beethoven qui lui hurle dans les oreilles. Elle est choquée, et il rit de son air ahuri.
Oui, lui dit-il. Ça fait un mois qu’il l’entend à côté de lui dans le train. Ça tombe bien, il adore écouter de la musique classique, encore plus en jouer, mais il s’étonne qu’elle ne soit pas encore lassée de repasser encore et toujours la même sonate en boucle. Elle rougit, et s’excuse du désagrément en baissant la tête. Tiens, elle a parlé à quelqu’un.
Le train redémarre enfin, et elle s’en réjouit. Elle ne veut pas faire la conversation, surtout pas. Que personne ne la sorte de son marasme, bon sang. Elle sait que c’est Pathétique, de se mettre dans cet état pour un chagrin d’amour, mais elle veut souffrir tout son soûl en paix.
Heureusement, le garçon est perspicace, et la laisse retourner dans sa bulle. Malgré tout, il ne s’avoue pas vaincu. Ce n’est pas une défaite, il a pu entendre sa voix. Ça fait un mois qu’il la voit, et ne sait pas comment lui adresser la parole. C’est chose faite, il pourra lui sourire demain, comme un rappel de ce petit dialogue. Il se réjouit de voir sa tête.
Le train arrive en gare, et elle attend qu’il se lève et parte pour en faire autant. Il a un rictus sarcastique en se disant qu’elle n’en a pas fini avec lui, il réussira à casser cette barricade autour d'elle. Des filles jolies qui se saoulent à Beethoven, il n’y en a pas beaucoup. Il se ferait un plaisir de lui jouer sa sonate. Ça tombe si bien qu’il la maîtrise. Il penserait qu’il s’agit du destin, s’il y croyait.
Elle, de son côté, se dit qu’elle a eu chaud, elle a bien failli faire une nouvelle rencontre. Elle ne veut pas faire de nouvelles rencontres. Pas maintenant. On verra demain, après-demain, la semaine prochaine ou dans un mois... Ou deux, ou trois. On verra. La vie le lui dira.
C’est une bien mauvaise année qui a commencé, pourtant. Nouvelle école, ville où elle ne connait personne, et puis, une saleté de rupture amoureuse qui vient d’arriver au pire moment qui soit.
Elle entre dans son premier train, le jour ne s’est pas encore levé, et il fait encore sombre. Elle augmente le volume de sa musique et s’installe à une place libre. Elle se blottit dans le fond du siège, et regarde les lumières de la ville qui s’éveille par la fenêtre. Elle ne prête pas attention aux autres passagers.
Peut-être le jeune homme installé à côté d’elle sur l’autre rangée voudrait lui parler, mais même s’il essayait, elle ne répondrait même pas. Elle n’est pas là. Pas tout à fait là en tout cas. Elle a l’impression de flotter au-dessus du monde, et déteste qu’on la fasse redescendre, d’où les écouteurs à fond pour éviter d’entendre. Ça lui fait également une excuse pour ne pas répondre sans paraître impolie, même si elle l’est complètement.
Tout à coup, le train s’arrête entre deux gares. C’est inhabituel, elle s’en rend compte, et baisse le son en cas d’annonce du contrôleur. Le temps passe, et pas d’explications. Elle hausse les sourcils, et regarde autour d’elle. Ses yeux se posent sur le garçon, qui était en train de la regarder, son regard croise le sien, mais elle détourne la tête violemment en augmentant le son de sa musique.
Elle déteste les contacts visuels. C’est comme si elle avait perdu, ou coupé ses sens depuis qu’il l’a laissée. La vue donc, l’ouïe avec sa musique pour ne plus entendre le monde, le goût puisqu’elle se force à grignoter un peu, le toucher… Elle n’ose même pas y penser tant son contact lui manque, et l’odorat… Elle passe ses soirées à renifler un vieux T-shirt à lui qu’elle ne lui a pas rendu… De toute façon, il ne l’a pas réclamé. Tant mieux pour elle. Si elle le pouvait, elle prendrait ce T-shirt partout avec elle en plongeant le nez dedans. Mais son entourage commencerait sérieusement à s’inquiéter pour sa santé mentale.
Soudain, elle entend une voix dans le brouhaha des notes. Elle retire ses écouteurs, et écoute le jeune homme lui dire que le train va bientôt redémarrer, une annonce vient d’être faite, mais qu’elle ne l’a pas entendu avec Beethoven qui lui hurle dans les oreilles. Elle est choquée, et il rit de son air ahuri.
Oui, lui dit-il. Ça fait un mois qu’il l’entend à côté de lui dans le train. Ça tombe bien, il adore écouter de la musique classique, encore plus en jouer, mais il s’étonne qu’elle ne soit pas encore lassée de repasser encore et toujours la même sonate en boucle. Elle rougit, et s’excuse du désagrément en baissant la tête. Tiens, elle a parlé à quelqu’un.
Le train redémarre enfin, et elle s’en réjouit. Elle ne veut pas faire la conversation, surtout pas. Que personne ne la sorte de son marasme, bon sang. Elle sait que c’est Pathétique, de se mettre dans cet état pour un chagrin d’amour, mais elle veut souffrir tout son soûl en paix.
Heureusement, le garçon est perspicace, et la laisse retourner dans sa bulle. Malgré tout, il ne s’avoue pas vaincu. Ce n’est pas une défaite, il a pu entendre sa voix. Ça fait un mois qu’il la voit, et ne sait pas comment lui adresser la parole. C’est chose faite, il pourra lui sourire demain, comme un rappel de ce petit dialogue. Il se réjouit de voir sa tête.
Le train arrive en gare, et elle attend qu’il se lève et parte pour en faire autant. Il a un rictus sarcastique en se disant qu’elle n’en a pas fini avec lui, il réussira à casser cette barricade autour d'elle. Des filles jolies qui se saoulent à Beethoven, il n’y en a pas beaucoup. Il se ferait un plaisir de lui jouer sa sonate. Ça tombe si bien qu’il la maîtrise. Il penserait qu’il s’agit du destin, s’il y croyait.
Elle, de son côté, se dit qu’elle a eu chaud, elle a bien failli faire une nouvelle rencontre. Elle ne veut pas faire de nouvelles rencontres. Pas maintenant. On verra demain, après-demain, la semaine prochaine ou dans un mois... Ou deux, ou trois. On verra. La vie le lui dira.