Installée au café de la gare, son latte macchiato est arrivé. C’est son rituel à chaque fin de journée en attendant son train. En effet, elle en a toujours pour trois quart d’heure à patienter, et elle s’accorde donc systématiquement ce petit moment de plaisir.
Il faut dire qu’elle en a passé, du temps, dans ce café. Elle s’y sent un peu comme chez elle, toujours à la même table. Sauf qu’avant, elle était accompagnée. Les anciens serveurs doivent sans doute s’en rappeler. Elle soupire avec nostalgie en repensant à ce temps aujourd’hui révolu depuis longtemps.
Comme tous les jours, elle parcourt la clientèle des yeux. Il y a beaucoup d’habitués, surtout ceux accoudés au bar. Mais aujourd’hui, dans son balayage visuel habituel, un obus vient de lui crever la rétine et lui éclate en pleine figure. Comme ça. Elle en a le souffle coupé.
Une silhouette de dos la ramène cinq ans en arrière. Est-ce son imagination qui lui joue des tours, après avoir justement pensé à lui à l’instant ? Elle se raisonne: cela fait aussi partie de son rituel journalier, cette pensée vers lui.
Elle respire un bon coup, et l’observe avidement. Ces cheveux, cette nuque, cette chemise… Est-ce vraiment lui ? Pourquoi serait-il ici, s’il a déménagé à l’autre bout du pays ?
Après réflexion, elle finit par mettre en place une ruse. Aller jusqu’aux toilettes lui permettrait de passer à côté de lui, et elle pourrait donc vérifier s’il s’agit vraiment de lui. S’il la reconnait et l’interpelle, elle se retournera, sinon, elle ne lui parlera pas. Rester digne avant tout.
Elle se lève donc en tirant sur sa jupe, et se met en marche en espérant faire bonne figure. Elle a habituellement confiance en elle, mais là, elle doute de son image. Elle n’a pas eu le temps de se préparer à cette confrontation, si confrontation il y a…
Elle lui jette un coup d’œil en passant, confirmant son identité, et accélère le pas inconsciemment tout en tendant l’oreille. Arrivée aux toilettes, elle est en colère. Pourquoi ne l’a-t-il pas reconnue, alors qu’elle, au premier coup d’œil, elle savait que c’était lui ? Elle s’appuie sur le lavabo en respirant à plein poumons pour se calmer.
Après réflexion, elle se dit que c’est peut-être normal. En se remémorant ce à quoi elle ressemblait la dernière fois qu’il l’a vue, elle se rend compte qu’elle a bien changé. Ses cheveux sont coupés court, elle a maigri, sa jupe noire est classique et elle porte des talons. Elle n’enfilait jamais ces artifices, et ils riaient si fort de ces gens si apprêtés, avant...
Elle reprend courage, et sort des toilettes. Son pas est plus sûr, elle n’est plus autant sur le coup de l’émotion. Arrivée à sa hauteur, elle s’arrête et accroche son regard. Haussement de sourcils, et puis, l’étincelle. Il dit son nom de manière enjouée et lui propose de s’asseoir. Elle en oublie son café macchiato.
S’en suit discussion banale sur ce que chacun est devenu. Parcours, études, boulot. Et puis… Il va être papa. Elle s’est arrêtée à cette information qui lui fait si mal. Il lui pose des questions également, mais elle en dit le moins possible. Elle a si honte d’avouer qu’elle n’a personne dans sa vie, et ne vit que pour son travail. Elle voudrait faire bonne figure et inventer une histoire d’amour passionnée, mais n’en a pas le courage. Elle n’a jamais su lui mentir de toute façon.
Elle apprend qu’il est là pour rendre visite à ses parents, et leur annoncer la grande nouvelle. Elle le félicite malgré tout du bout des lèvres. Simuler la joie est au-dessus de ses forces. Elle se demande pourquoi il peut encore la faire souffrir comme ça, après tout ce temps. Enfin, il semble se rendre compte de sa douleur, et il lui effleure la main en lui souriant gentiment, comme avant, pour l’apaiser.
Elle inspire un grand coup, lui dit qu’elle doit s’en aller et qu’elle est heureuse de l’avoir croisé. Alors qu’elle est sur le point de se lever, il lui retient la main, et enfin, parle sérieusement. Il lui avoue qu’il est resté toute la journée dans le café en espérant la croiser. Il ne se sentait pas en droit de lui téléphoner. Après cinq ans sans nouvelles, ça ne se fait pas. Il dit qu’il est heureux qu’elle ait l’air en pleine forme, et qu’il n’y ait plus d’animosité entre eux. Il lui donnera des nouvelles du petit quand le moment viendra.
Elle se prend cette dernière flèche avec dignité, lui sourit et l’embrasse sur la joue, avec autant de douceur qui si c’était sur sa bouche. Il n’a pas changé de parfum. Il n'a pas changé tout court, d'ailleurs...
Elle s’en va vers son train, l’esprit en déroute, entre dans le wagon, et s’installe, le cœur en miettes.
Elle lui écrira finalement un sms : « Je laisse ma fierté de coté, pour te dire que je regrette d'être partie, il y a cinq ans. Sois heureux. ».
Il faut dire qu’elle en a passé, du temps, dans ce café. Elle s’y sent un peu comme chez elle, toujours à la même table. Sauf qu’avant, elle était accompagnée. Les anciens serveurs doivent sans doute s’en rappeler. Elle soupire avec nostalgie en repensant à ce temps aujourd’hui révolu depuis longtemps.
Comme tous les jours, elle parcourt la clientèle des yeux. Il y a beaucoup d’habitués, surtout ceux accoudés au bar. Mais aujourd’hui, dans son balayage visuel habituel, un obus vient de lui crever la rétine et lui éclate en pleine figure. Comme ça. Elle en a le souffle coupé.
Une silhouette de dos la ramène cinq ans en arrière. Est-ce son imagination qui lui joue des tours, après avoir justement pensé à lui à l’instant ? Elle se raisonne: cela fait aussi partie de son rituel journalier, cette pensée vers lui.
Elle respire un bon coup, et l’observe avidement. Ces cheveux, cette nuque, cette chemise… Est-ce vraiment lui ? Pourquoi serait-il ici, s’il a déménagé à l’autre bout du pays ?
Après réflexion, elle finit par mettre en place une ruse. Aller jusqu’aux toilettes lui permettrait de passer à côté de lui, et elle pourrait donc vérifier s’il s’agit vraiment de lui. S’il la reconnait et l’interpelle, elle se retournera, sinon, elle ne lui parlera pas. Rester digne avant tout.
Elle se lève donc en tirant sur sa jupe, et se met en marche en espérant faire bonne figure. Elle a habituellement confiance en elle, mais là, elle doute de son image. Elle n’a pas eu le temps de se préparer à cette confrontation, si confrontation il y a…
Elle lui jette un coup d’œil en passant, confirmant son identité, et accélère le pas inconsciemment tout en tendant l’oreille. Arrivée aux toilettes, elle est en colère. Pourquoi ne l’a-t-il pas reconnue, alors qu’elle, au premier coup d’œil, elle savait que c’était lui ? Elle s’appuie sur le lavabo en respirant à plein poumons pour se calmer.
Après réflexion, elle se dit que c’est peut-être normal. En se remémorant ce à quoi elle ressemblait la dernière fois qu’il l’a vue, elle se rend compte qu’elle a bien changé. Ses cheveux sont coupés court, elle a maigri, sa jupe noire est classique et elle porte des talons. Elle n’enfilait jamais ces artifices, et ils riaient si fort de ces gens si apprêtés, avant...
Elle reprend courage, et sort des toilettes. Son pas est plus sûr, elle n’est plus autant sur le coup de l’émotion. Arrivée à sa hauteur, elle s’arrête et accroche son regard. Haussement de sourcils, et puis, l’étincelle. Il dit son nom de manière enjouée et lui propose de s’asseoir. Elle en oublie son café macchiato.
S’en suit discussion banale sur ce que chacun est devenu. Parcours, études, boulot. Et puis… Il va être papa. Elle s’est arrêtée à cette information qui lui fait si mal. Il lui pose des questions également, mais elle en dit le moins possible. Elle a si honte d’avouer qu’elle n’a personne dans sa vie, et ne vit que pour son travail. Elle voudrait faire bonne figure et inventer une histoire d’amour passionnée, mais n’en a pas le courage. Elle n’a jamais su lui mentir de toute façon.
Elle apprend qu’il est là pour rendre visite à ses parents, et leur annoncer la grande nouvelle. Elle le félicite malgré tout du bout des lèvres. Simuler la joie est au-dessus de ses forces. Elle se demande pourquoi il peut encore la faire souffrir comme ça, après tout ce temps. Enfin, il semble se rendre compte de sa douleur, et il lui effleure la main en lui souriant gentiment, comme avant, pour l’apaiser.
Elle inspire un grand coup, lui dit qu’elle doit s’en aller et qu’elle est heureuse de l’avoir croisé. Alors qu’elle est sur le point de se lever, il lui retient la main, et enfin, parle sérieusement. Il lui avoue qu’il est resté toute la journée dans le café en espérant la croiser. Il ne se sentait pas en droit de lui téléphoner. Après cinq ans sans nouvelles, ça ne se fait pas. Il dit qu’il est heureux qu’elle ait l’air en pleine forme, et qu’il n’y ait plus d’animosité entre eux. Il lui donnera des nouvelles du petit quand le moment viendra.
Elle se prend cette dernière flèche avec dignité, lui sourit et l’embrasse sur la joue, avec autant de douceur qui si c’était sur sa bouche. Il n’a pas changé de parfum. Il n'a pas changé tout court, d'ailleurs...
Elle s’en va vers son train, l’esprit en déroute, entre dans le wagon, et s’installe, le cœur en miettes.
Elle lui écrira finalement un sms : « Je laisse ma fierté de coté, pour te dire que je regrette d'être partie, il y a cinq ans. Sois heureux. ».