Samedi, cinq heures trente du matin. C’est le début de l’été et le soleil commence doucement à se lever à l’horizon. La ville est plutôt vide, mais quelques personnes attendent leur train, encore un peu endormies. Qui se retrouve dans une gare à cette heure-là ?
On peut penser aux lèves-tôt qui partent s’évader un week-end à la campagne, en forêt ou à la mer, pour passer la journée à décompresser, peut-être même jusqu’au dimanche avant de recommencer à bosser. Petite entracte dans le train-train quotidien, on en a toujours besoin.
Ensuite, il y a les moins chanceux qui travaillent le samedi. On ne va pas trop les plaindre, ils seront payés à moitié plus qu’un jour ordinaire de la semaine. Maintenant, c’est vrai, ils ont peut-être laissé leur compagne ou compagnon bien au chaud dans les couvertures, mais ils les retrouveront le soir-même pour profiter de la soirée.
On peut encore en citer d’autres, mais aujourd’hui, dans cette gare, il y a une jeune femme. La vingtaine, à la grosse louche. Jupe noire en corolle, talons hauts, longues jambes à n’en plus finir, taille fine marquée par la ceinture de son léger trench beige. Elle semble bien élégante à première vue.
Malgré tout, un œil averti remarquerait les ombres sombres sous son regard, ses yeux légèrement rougis, elle semble ne pas avoir dormi de la nuit. Ses cheveux blonds n’ont pas l’air d’avoir reçu un coup de peigne ce matin, mais elle les a cachés sous une grande capeline.
Sa démarche est assurée lorsqu’elle s’approche de l’escalator pour rejoindre son quai, à la voie 3. A première vue, elle ressemble à ces filles fortes que rien n’ébranle, pas même des talons de quinze centimètres. Néanmoins, son regard, plus que fatigué, est mélancolique. Les coins de sa bouche s’affaissent légèrement. Qu’a-t-elle bien pu faire cette nuit ?
La voilà arrivée sur son quai, désert. Elle reste debout, l’allure digne, menton haut, mains dans les poches de son manteau. Même le soleil bas et rouge n’a pas l’air de l’aveugler. Seuls de légers piétinements marquent son inconfort. Elle a dû porter ces chaussures de torture toute la nuit.
Plus les minutes d’attente s’égrènent, plus la nervosité semble la gagner. Elle regarde son téléphone toutes les trente secondes, peut-être dans l’attente d’un signe de vie. Une personne avec qui elle a passé la nuit, ou quelqu’un qu’elle va rejoindre ? Rien n’est moins sûr, mais un haut-parleur annonçant le retard de son train semble la perturber au plus haut point.
Ça y est, la façade de dignité commence doucement à se fissurer. Ses mains tremblent, son maintien n’est plus aussi parfait, et enfin, ses pieds demandent grâce : elle finit par s’asseoir à même le sol en retirant ses talons. Elle baisse la tête, et ses yeux fixent le vide.
Une vibration se fait soudain entendre, et son regard s’illumine un instant. C’est comme si toute la fatigue accumulée disparaissait d’un seul coup. Elle recherche frénétiquement son téléphone dans la grande poche de son manteau, réussit à l’atteindre, lit le message avec avidité… Et fond en larmes.
Sur la voie 3, le train est arrivé. Mais ce jour-là, à cinq heures trente du matin, personne n’est monté.
On peut penser aux lèves-tôt qui partent s’évader un week-end à la campagne, en forêt ou à la mer, pour passer la journée à décompresser, peut-être même jusqu’au dimanche avant de recommencer à bosser. Petite entracte dans le train-train quotidien, on en a toujours besoin.
Ensuite, il y a les moins chanceux qui travaillent le samedi. On ne va pas trop les plaindre, ils seront payés à moitié plus qu’un jour ordinaire de la semaine. Maintenant, c’est vrai, ils ont peut-être laissé leur compagne ou compagnon bien au chaud dans les couvertures, mais ils les retrouveront le soir-même pour profiter de la soirée.
On peut encore en citer d’autres, mais aujourd’hui, dans cette gare, il y a une jeune femme. La vingtaine, à la grosse louche. Jupe noire en corolle, talons hauts, longues jambes à n’en plus finir, taille fine marquée par la ceinture de son léger trench beige. Elle semble bien élégante à première vue.
Malgré tout, un œil averti remarquerait les ombres sombres sous son regard, ses yeux légèrement rougis, elle semble ne pas avoir dormi de la nuit. Ses cheveux blonds n’ont pas l’air d’avoir reçu un coup de peigne ce matin, mais elle les a cachés sous une grande capeline.
Sa démarche est assurée lorsqu’elle s’approche de l’escalator pour rejoindre son quai, à la voie 3. A première vue, elle ressemble à ces filles fortes que rien n’ébranle, pas même des talons de quinze centimètres. Néanmoins, son regard, plus que fatigué, est mélancolique. Les coins de sa bouche s’affaissent légèrement. Qu’a-t-elle bien pu faire cette nuit ?
La voilà arrivée sur son quai, désert. Elle reste debout, l’allure digne, menton haut, mains dans les poches de son manteau. Même le soleil bas et rouge n’a pas l’air de l’aveugler. Seuls de légers piétinements marquent son inconfort. Elle a dû porter ces chaussures de torture toute la nuit.
Plus les minutes d’attente s’égrènent, plus la nervosité semble la gagner. Elle regarde son téléphone toutes les trente secondes, peut-être dans l’attente d’un signe de vie. Une personne avec qui elle a passé la nuit, ou quelqu’un qu’elle va rejoindre ? Rien n’est moins sûr, mais un haut-parleur annonçant le retard de son train semble la perturber au plus haut point.
Ça y est, la façade de dignité commence doucement à se fissurer. Ses mains tremblent, son maintien n’est plus aussi parfait, et enfin, ses pieds demandent grâce : elle finit par s’asseoir à même le sol en retirant ses talons. Elle baisse la tête, et ses yeux fixent le vide.
Une vibration se fait soudain entendre, et son regard s’illumine un instant. C’est comme si toute la fatigue accumulée disparaissait d’un seul coup. Elle recherche frénétiquement son téléphone dans la grande poche de son manteau, réussit à l’atteindre, lit le message avec avidité… Et fond en larmes.
Sur la voie 3, le train est arrivé. Mais ce jour-là, à cinq heures trente du matin, personne n’est monté.